« Écrire est un acte d’amour, s’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture ». Autrice et fondatrice de Huné Studio, Marion a fait de ces mots de Jean Cocteau son mantra. « Si je ne peux apaiser les maux de la Terre de ma seule plume, écrit-elle, au moins puis-je lui insuffler un peu de tendresse… ». Aujourd’hui, je suis heureuse de t’emmener à sa rencontre et d’accueillir ses mots, toujours doux et inspirants, dans mon chez-moi digital.
Bonjour Marion ! En guise d’introduction, pourrais-tu nous présenter ce nouvel écrin pour tes mots : Huné Studio ?
Âme sensible et sauvage, les Arts me bercent depuis ma jeune enfance. Ils m’invitent à la rêverie et m’insufflent l’espoir quand la vie semble trop sombre, réenchantent le Monde quand celui-ci paraît bien fade. Ils émeuvent, interrogent, interpellent, bousculent parfois. Et surtout, les Arts, témoins de nos chemins d’humain(e)s depuis l’aube du Monde, me relient à celles et ceux qui ont marché sur Terre avant nous. Je ressens avec force ce lien quand je laisse mon corps se mettre en mouvement sans penser, m’abandonnant à des danses sensibles.
Si la danse est pour moi une pratique intuitive, j’ai choisi à 30 ans de faire de l’écriture mon métier. Paraît-il qu’ “il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous” (Paul Eluard). Bien que les mots m’aient accompagnée très tôt, je n’avais jamais pensé à écrire avant une rencontre, non pas avec les livres, mais avec un être humain fait de chair et de sang. Il me proposait de travailler en tant que rédactrice web ? Soit, j’essayerais. Je ne savais pas alors qu’écrire deviendrait pour moi bien plus qu’un métier : les mots sont mon guide et mon chemin, ils me veillent autant qu’ils m’animent.
Huné Studio est l’aboutissement de cette dizaine d’années à apprivoiser l’écriture, pendant laquelle j’ai longuement tâtonné pour trouver ma manière de mettre en mots… Et pour oser l’exprimer. Mes différents projets reflètent ce chemin parcouru pas après pas pour aller d’une écriture plus conventionnelle à celle qui est la mienne aujourd’hui, aussi imparfaite soit-elle. Huné Studio est pour moi un espace de liberté pleine et entière, où déposer les mots qui me traversent en toute simplicité. Avec vulnérabilité.
C’est aussi l’espace au sein duquel je proposerai en 2025 de nouveaux cercles créatifs, que je souhaite plus incarnés, nourris par ces deux dernières années consacrées à explorer l’extraordinaire du corps féminin et des plantes médicinales. En parallèle, mon amie Justine Gerritsen (créatrice de Esprit Nomade Studio) et moi-même souhaitons rassembler nos univers dans un studio créatif afin de proposer aux entrepreneuses des prestations alliant photographie et storytelling. Notre intention ? Les accompagner à raconter leurs histoires de marque authentiques et vibrantes.
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Au cours des années, tes projets ont pris plusieurs formes : Et si deux mains, la Poudre et la plume, Atelier Symphytum et maintenant Huné Studio… Peux-tu retracer ton parcours et ces différentes étapes ?
Au début des années 2010, je commençais à prendre conscience de l’impact écologique de nos vies d’humain(e)s. De combien nous nous étions éloigné(e)s de la Nature, jusqu’à en oublier que nous étions de simples êtres de passage sur une Terre qui nous accueille en mère aimante et nourricière. De combien nos habitudes allaient à l’encontre des principes qui fondent toute Vie sur cette Terre. Je commençais à interroger ce que la société avait à nous offrir – ou non – et à me demander ce que seraient pour moi des lendemains durables et souhaitables.
De mes questionnements intimes est née l’envie de porter ma voix au Monde, d’abord via Et si deux mains, où je publiais des portraits et interviews d’artisanes et créatrices éthiques, engagées chacune à leur manière pour protéger notre belle Planète. Avec La Poudre et La Plume, j’ai souhaité professionnaliser mon écriture en commençant à proposer des prestations de storytelling aux entrepreneuses. Ce deuxième projet a été l’occasion pour moi d’élargir ma proposition aux accompagnantes du féminin.
L’Atelier Symphytum aura été une passerelle de quelques mois entre La Poudre et La Plume et Huné Studio. Jusqu’à présent, le choix des noms via lesquels je porterais mes projets avait été guidé par la raison : la plume évoque classiquement l’écriture et symphytum, le nom latin de la consoude, a la même racine grecque que la symphyse, m’offrant d’allier en un seul mot le féminin et les plantes, objets de mes explorations actuelles. Huné rend hommage à mes racines bretonnes. C’est un nom choisi depuis l’espace du cœur, dont l’on ne peut connaître la signification que si l’on prend le temps de chercher un peu plus loin. Un nom qui inspire l’onirisme. De fait, huné signifie rêve dans certaines localités bretonnes…
Derrière ces différents projets, c’est ma traversée de femme qui s’esquisse entre les lignes, une traversée guidée par mon souhait de goûter à une liberté la plus absolue possible. En tant qu’être humain née dans un corps de femme. En tant que fille. En tant que mère. En tant qu’entrepreneuse… Chacun de ces projets porte en lui l’empreinte des pas parcourus dans l’intime pour m’offrir cette liberté à laquelle j’aspirais : oser exprimer ma voix via Et si deux mains, créer un métier qui me ressemble avec La Poudre et La Plume, recommencer à étudier pour parfaire mon métier du temps d’Atelier Symphytum puis Huné Studio…
Ces dix dernières années m’auront aussi vue poser mon socle de femme. Me découvrir proche de la philosophie zen en ce qu’elle prône une forme d’épure et de sobriété heureuse, de simplicité, de lenteur… Apprivoiser l’écologie, puis l’écologie intérieure et toucher du bout des doigts ce que d’aucuns nomment l’écoféminisme. Un écoféminisme tendre et enveloppant, pas dans la lutte ou, en tout cas, pas dans le militantisme. A mon sens, l’engagement naît – aussi – de ces actes de tous les jours que l’on pose, si infimes puissent-ils sembler. Cela peut passer, par exemple, par refuser toute forme de violence et se lever pour (faire) préserver des droits qui devraient être inaliénables. Si la voix d’une femme, une seule, peut être aisément muselée, peut-on nier les voix de milliers de femmes qui s’élèvent, seules et ensemble ? Cela se traduit également par tous ces choix que l’on fait au quotidien pour minimiser notre impact sur la Nature : dans notre assiette, notre dressing, nos loisirs…
Sur ton site, tu écris « Les mots sont ma manière de prendre part au Monde de celles qui veillent ». En as-tu toujours été consciente ? Comment les utilises-tu précisément ?
Même si les mots ne sont au cœur de mes propositions que depuis dix ans, ils m’ont toujours accompagnée. Ceux parcourus lors de voyages immobiles, de livres en livres. Ceux glissés à l’oreille ou sur le papier par un être cher, ceux que l’on se murmure à soi-même… Des mots pour rêver, des mots pour aimer et, parfois, des mots pour dire l’indicible.
C’est en créant Et si deux mains que j’ai conscientisé l’immense pouvoir du Verbe, qui se veut tantôt destructeur tantôt créateur, selon la manière dont on l’utilise. Nous pouvons en trouver des exemples très concrets dans nos quotidiens : se voir répéter, par exemple, que l’on n’est pas capable de ou s’entendre dire régulièrement que l’on peut être fier(e) de nous auront un effet inverse…
Grâce aux échanges avec ma communauté alors naissante sur Instagram, j’ai réalisé que les mots pouvaient apaiser autant qu’ils blessent. C’est un grand pouvoir… Et une responsabilité toute aussi grande. “Les mots sont ma manière de prendre part au Monde de celles qui veillent” reflète cette intention de prendre soin, ne serait-ce qu’un peu, via l’écriture.
Cette phrase est pourtant incomplète aujourd’hui. Depuis deux ans, j’étudie à nouveau, afin d’aligner ma proposition professionnelle à mes aspirations profondes. J’ai commencé par explorer le corps féminin en suivant la formation en Gynexploration proposée par Rites de femmes, que j’approfondirai bientôt avec la danse de l’équilibre hormonal. J’ai également découvert d’autres approches du féminin en suivant les enseignements de Karine Cavalcanti et les ateliers de Maud Renard. En parallèle, je m’initie aux plantes médicinales auprès de Marine Lafon, via sa transmission La voie des plantes.
Ces formations reposent beaucoup sur l’observation et la proprioception, ce qui appelle au ressenti et non à la réflexion. J’ai pris conscience en m’essayant aux pratiques proposées par mes enseignantes que la mise en mouvement contribue autant que la création à apaiser ce qui demande à l’être. C’est quelque chose que je souhaite amener dans les cercles créatifs que je rouvrirai en 2025 en associant pratiques créatives et pratiques psycho-corporelles, pour inviter à une réelle expérience sensorielle.
Outre les mots que tu mets « au service » (de clients, de partenaires, de projets…), comment utilises-tu l’écriture pour te faire connaître ?
Rire. Je ne sais si l’écriture répond à une envie de me faire connaître ou à un besoin viscéral d’exprimer ce qui me rend vivante. Bien que j’ai travaillé au sein d’une équipe marketing pendant quelques années, où j’ai appris à rédiger des articles de manière à optimiser leur référencement, l’idée d’utiliser l’écriture pour (me) vendre me met profondément mal à l’aise.
Pour l’instant, cela fait sens pour moi de déposer les mots tels qu’ils me viennent, comme autant d’instants de vie glanés. C’est ainsi que j’ai rassemblé une communauté grandissante ces dernières années, même si j’ai fait le choix conscient, en créant Huné studio, d’ouvrir une page blanche. Mes supports de prédilection restent les mêmes : Instagram, choisi initialement pour son aspect esthétique, et ma newsletter, appréciée pour l’intimité et l’indépendance qu’elle offre.
J’aime beaucoup cette citation du poète soufi Djalal Al Din Rûmi, qui reflète ma manière d’être en lien au Monde : “L’humilité consiste aussi à reconnaître que n’importe quelle créature dans l’Univers est susceptible de nous enseigner ce que nous ignorons’”. Je suis humaine parmi les humain(e)s et je ne me sens pas investie d’une mission autre que celle d’accompagner des chemins de femme avec ce qui m’a été donné : les mots.
C’est aussi la raison pour laquelle je préfère le terme cercles à celui d’ateliers. Il n’y a pas de sachante. Pas d’enseignante. Seulement des femmes rassemblées autour de leur désir commun de créer. Bien sûr, nous n’avons pas toutes la plume d’une Christiane Singer ou les traits de pinceaux d’une Georgia O’Keeffe. Pour autant, l’ être humain est, par essence, un être créateur. C’est précisément ce que j’essaye d’insuffler lors d’un cercle : cette confiance en la capacité de créer que nous portons toutes en nous. Je ne transmets donc pas de techniques, mais tente d’ouvrir une voie vers cette part créative parfois laissée en dormance.
Après nous avoir parlé des mots que tu écris, peux-tu nous parler de ceux que tu lis ? As-tu des conseils de lecture à partager avec nous ?
Quelque part au cours de mes longues études, j’ai oublié ce qu’était le goût de lire, simplement lire. Juste parce que les mots viennent caresser l’âme. La lecture demande de faire acte de pleine présence, elle appelle au silence et au temps lent. Cela requiert un espace intérieur que je n’ai pas eu durant de nombreuses années, si bien que j’ai très peu ouvert de livres, hormis pour apprendre.
La densité de mes formations en cours m’a poussée à de nouveau poser mes livres de côté, toujours mue par cette quête d’équilibre entre le Vide et le Plein : peut-on accueillir la plénitude sans vacuité ? En d’autres termes, peut-on recevoir de l’extérieur si l’on ne fait pas le vide en nous de temps à autre ? Je m’offre tout de même quelques parenthèses littéraires, pour me souvenir que lire n’est pas qu’apprentissage, mais aussi plaisir, inspiration, évasion.
Au creux de la dernière saison sombre, je me suis délectée de la plume sensible de Katherine May, qui nous ouvre à la beauté des hivers intérieurs que nous traversons toutes et tous, dans “Hiverner”. J’ai aussi savouré “L’art de la tendresse”, signé Véronique Aïache, et “Accord et à coeur”, de Danièle Flamenbaum, que j’attendais avec impatience après avoir dévoré “Femme désirée, femme désirante”. Du printemps à l’été, j’ai commencé à approcher la littérature japonaise, notamment avec “Le restaurant de l’amour retrouvé” d’Ito Ogawa, puis “La péninsule aux 24 saisons”, de Mayumi Inaba. Au cœur de cet été qui m’a vue continuer mon chemin vers l’épure, je viens de finir de butiner “Eloge du peu”, du moine zen Koike Ryunosuke.
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